• Les Artisans

    LES EXPLOITANTS DES PME

    Kisalu kia zoba, ka kina ko. Un pays pour son développement a besoin de toutes les mains valides qui doivent travailler dans tous les secteurs d’activités. Les Kalaka et les Moniteurs ou les forgerons de l’Otraco n’étaient pas seuls à Thysville où pullulaient un nombre assez impressionnant des artisans qui travaillaient pour leur propre compte. C’est à  Sanzela qu’on les retrouvait exerçant chacun son métier de prédilection. Les artisans les plus en vue furent les commerçants (exploitants des boutiques), les transporteurs, les menuisiers, les tailleurs, les cordonniers et les coiffeurs. Essayons de les regrouper selon leur spécialité :

    -         Les transporteurs : Ils ont sillonné les quatre coins du territoire de Thysville pour répondre aux rendez-vous hebdomadaires fixés longtemps en avance dans chaque grand marché du coin. Ainsi, les Bandibu avaient les marchés de Kiasi Kolo, Kivulu, Luidi et Ntadi, Nkolo, Songa Mani, Mbemba, Songa Lumueno, Kimpangu, Nkyende, Kinzundu, etc…Les Besi Ngombe avaient le célèbre marché de Mbanza Ngoyo, de Ngombe Matadi et de Mpioka. Les manianga se rendaient régulièrement à Kasi et à Luozi. Bref, aucune contrée n’était négligé et les transporteurs étaient les dignes ambassadeurs de cette politique du donner et du recevoir qui consistait à aller vendre auprès des villageois les différents produits manufacturés et d’acheter tous les produits locaux indispensables pour nos besoins primaires en milieux urbains. Certains commerçants étaient déjà dans le commerce d’exportation, notamment Tata Jean Baptiste et Léon Mfinda qui achetait des bananes dans les villages et qu’ils revendaient en Belgique via Cobelfruit. Quant à Papa Bernard Lukembeladio, pour ne citer que lui, il était le grand fournisseur des noix de palme (nkandi) qu’il ramenait de son Mbanza Ngoyo natal. C’est encore auprès de lui que les Besi Ngombe s’approvisionnaient en pneus, une chikuangue spéciale made in Mbanza Ngoyo.

    Les premiers transporteurs que nous avons connus sont : Papa Bisala sur l’avenue Stanley, juste en face de la résidence de Papa Boniface Ntongo. Non seulement qu’il fut l’un des premiers indigènes à gérer sa propre boutique à Londe, il  fut également l’un des tous premiers transporteurs congolais, bien avant la montée en flèche de son voisin immédiat que fut Papa Antoine Ngyezi. Il y avait aussi Léon Mfinda, Philémoni Wumbu, Antoine Ngyezi, Albert Yukula, Matumunu, Tekasala, Pas de Retard, Albert Budisa, Kibingua, Thomas Walandila qui se contentait de ramener de Kimaza à Thysville les sacs contenant du  « mbumba » (farine de manioc utilisée par les mamans pour la fabrication des chickuangues).

    -          Les menuisiers : Certains menuisiers, anciens de l’Ecole professionnelle de Ngombe Matadi étaient déjà à cette époque des véritables patrons qui trônaient à la tête des petites et moyennes entreprises employant une dizaine des travailleurs dont certains apprenaient ce métier très prisé à l'époque, car exercé jadis par Joseph, le mari de Marie. Parmi les menuisiers les plus connus et les plus célèbres, on avait l’inamovible Nkembo a Nza, Mazieta, Mpondani, Nany Meubles, etc… La menuiserie a servi de tremplin a plusieurs jeunes garçons en provenance des villages environnants, mais qui n'avaient pas eu la chance d'aller à l'école, car une dès qu'ils maîtrisaient ce travail, ils prenaient le chemin de Kinshasa où certains se sont installés à leur propre compte et d'autres pour grossir les rangs des ateliers les plus connus (Sozameubles, Mebeza, Uzam, Memokin, Mpanga, etc..)

    -          Les exploitants des boutiques : Au contact avec les portugais, beaucoup des congolais très doués avaient réussi à maîtriser les ficelles du métier de commerçant et se sont installés pour leur propre compte. Certains se contentaient d’étaler leurs marchandises au marché. D’autres, peut-être les plus futés, ouvrirent carrément leurs propres boutiques. Dans ce secteur, les pionniers furent évidemment Samuel Namata,  Papa Philemoni Wumbu, Papa David Malueki (père de famille très nombreuse dont les enfants font partie des célébrités ngunguoises (Maître Levy, Tanzi Machette de l’Amicale, Diantete alias Sherrif, Kiabelua, et Nsuasuani alias Assassin), Mfinda Léon, Alexandre Nkala, Papa James Nkodia, Papa Mbende Mapaka, Papa Lukembeladio Bernard, Papa Mafukua, Papa Makonko (le géniteur de notre ami De Gombot), Papa Emmanuel Luzolo, Papa Albert Nsingi et Papa Pierre M´vengo. Concernant Papa Laurent Maza, il fut le premier à s’essayer dans l’hôtellerie. Au fait, son hôtel situé sur l’avenue Bambala était considéré comme un flamingo réservé aux femmes libres pour leurs ébats avec leurs clients occasionnels. Plusieurs angolais de souche zombo se sont révelés par la suite comme des hommes parfaitement habiles dans ce domaine. On a connu Papa Somba Albert, Papa James (le père de Simon Dindangila), Papa Malaquias, Papa Nkama Jean, Pedro Nguidi, Papa Pedro Mbongo, Papa Kiala Yamba qui exploitait un moulin à manioc sur l’avenue Tabora …

    Papa Mbende Bemaf et Papa Nkodia (Le père nourricier), eux avaient choisi le secteur de la restauration. Le premier avait son restaurant sur l'avenue Léopold et celui-ci rivalisait avec celui de l’hôtel Cosmopolite. Quant au second, il avait installé, toujours sur l’avenue Léopold une mini bazar d’un genre particulier où on pouvait trouver des poissons de mers grillés, prêts pour la consommation au grand bonheur des jeunes célibataires qui raffolaient ce plat. On y achetait aussi des gâteaux, des bananes mûres et des arachides grillés que notre ami Emmany Lusilawo avait surnommé Aspro. Nous avons connu aussi au croisement des avenues Tabora et Peigneux, Ta Dilumbu  la première personne qui a vendu des poissons de mer fumés.

    -          Les tenanciers des bars : Luzingu lua muntu, kopo. C’était le fameux cri de guerre d’un certain « Kayanga », une célébrité ngunguoise, ancien fonctionnaire de l’état très bien connu pour ses largesses et qui adorait siroter son verre de bierre en bonne compagnie. A Thysville, Mutuelle Bar, Congo Bar et Kiakia Bar (Paris Soir) furent les trois premiers coins de distraction où nos parents se retrouvaient dans les grandes circonstances. Vers les années 60, avec la liberté acquise, des nouveaux temples de vente de boissons furent construits. Luvemba Bar fut le premier à donner le ton, suivi de Air Congo de Nkazi Ndualu Adolphe, puis arriva Lumpungu Bar, le coin préféré des commerçants du marché central le dimanche et des élèves de l'Athénée de Thysville qui s'y rendaient pour se défouler, Raph Congo, Mawe Bar de Kunantu D’Aquin, le président de l’Amicale de la terre, Epanza Makita de Dominique Nkuakala, Bombon Sucré de Mvuama, Nkama (Papa Jean Nkama), Alphonso bar, Paulino Bar, Petit Bois, etc…

    -          Les photographes : Messieurs Samuel Namata, Esteves Emmanuel et Pedro Martin furent nos trois premiers photographes ayant eu pignon sur rue. Ils furent rejoints plus tard par Papa Nlandu Ma Vie, Papa Nkuka Arthur, Papa Zayobi Zengeni, Photo Vicky, etc…

    -          Les tailleurs : Il y a un adage populaire à notre époque qui disait que : « nkento a tailleur ka lekanga nsatu ko… Même en dernière minute, bakala diani ka fuete kaka baka client. Effectivement, les couturiers étaient très sollicités à cette époque où le prêt-à-porter n’existait pas encore. Hélas, combien de personnes n’ont-ils pas été déçu par la fourberie et la couardise de ces derniers qui ne respectaient jamais la parole donnée, car le plus souvent débordé par la demande, ils étaient incapables de satisfaire leurs clients correctement.

    Papa Adolphe (le père de Mbuta Daniel Kinsumba) qui travaillait en ville, Panda Emmanuel, Bernard Mangani, Alphonse Ntongo, Omer Nsuami et son petit frère Mitoga, « C » kia Nkatu, Fièvre, Mbuta Dibalu et tant d’autres dont nous avons oublié les noms furent nos habilleurs attitrés. L’arrivée de Raymon Tail et de Joly Tail, va bouleverser la couture à Thysville avec des véritables écuries où on retrouvait le Maître avec son armada des assistants.

    Signalons en passant le grand atelier de papa Etienne Bakula dont la spécialité était les mabaya des femmes. Il fallait faire un tour dans le coin, sur l’avenue Thys pour vois comment ces dernières se bousculaient auprès de leur couturier attitré.

    - Les garagistes : La tendance à l’époque coloniale que les chauffeurs des grands véhicules étaient avant tout des chauffeurs-mécaniciens, aidé par des boys chauffeurs, qui en réalité étaient leurs aides mécaniciens. Ainsi, un véhicule immobilisé au bord de la route pouvait être réparé par son propre équipage qui se déplaçait avec son outillage complet, prêt à parer à toute éventualité. Toutefois, Papa Ali Sidi fut parmi les meilleurs mécaniciens de son époque et son garage concurrençait avec celui de la CEGEAC situé en ville.

    Il existait aussi une autre race des spécialistes en mécanique générale. Ce sont les réparateurs des vélos. Mabuani Jean Marie alias De Mary et Albert Mpuku se sont excellés dans ce domaine. Lu tulemvokela. Vu le nombre des vélos qu’on avait dans la ville, nous n’avons pas retenu les noms de tous ces techniciens qui rendaient d’énormes services aux amoureux de la bécane, ni les autres garages tenus par des congolais.

     -          Les Cordonniers : Qui n’a pas eu besoin d’un cordonnier pour réparer ces chaussures. Bilumbu biele bia yingi, mais je me rappelle de papa Lundoloka sur l’avenue Thys qui était notre cordonnier de famille. Mbuta Pie, de la famille Makanzu sur l’avenue Tabora exerçait lui aussi ce métier.

    -          Les Coiffeurs : Des véritables salons de coiffure étaient érigés par-ci, par-là et les plus connus furent tenus par Vieux Otra, Vieux Tarzan, vieux Davin, Vieux Wagon Bill alias Spaak, etc...
    Aujourd'hui, on s'arrête-là. Nous sollicitons l'indulgence de toutes les personnes oubliées involontairement dans leur corps de métier, et/ou quelques activités qui permettaient à leurs auteurs de faire face aux alléas de la vie. Oeuvre collective de tous les Bisimbi, nous vous demandons de nous écrire pour compléter ce travail.